par Jonathan Goldman, Andrew Gerzso

Introduction

Historique de l’œuvre

Anthèmes 2, pièce pour violon et électronique (réalisée par Andrew Gerszo à l’Ircam), fut créée le 19 octobre 1997 à Donaueschingen par la violoniste Hae-Sun Kang. La création française eut lieu deux jours plus tard, à l’Ircam. Comme souvent chez Pierre Boulez, Anthèmes 2 est née de l’expansion d’une œuvre antérieure, ici Anthèmes 1, courte pièce pour violon composée en 1991 (et révisée en 1992 et 1994) pour le quatre-vingt-dixième anniversaire d’Alfred Schlee, directeur de longue date de la maison d’édition musicale de Boulez, Universal Edition, puis révisée l’année suivante pour le Concours international de violon Yehudi-Menuhin à Paris. Anthèmes 2 est donc le développement de cette pièce initiale d’environ neuf minutes, non seulement en termes de durée (on y dépasse les vingt minutes), mais aussi, et particulièrement, par l’ampleur de son éventail sonore, atteint par le biais des moyens électroniques. Tout comme Rituel et Mémoriale, Anthèmes 1 et 2 découlent d’un fragment de sept notes provenant de la partie de violon d’une des nombreuses versions d’...explosante-fixe..., schéma de composition évolutif créé à l’occasion de la mort d’Igor Stravinsky et inclus dans un dossier hommage publié par le magazine Tempo (Royaume-Uni) en 1971. En tant que pièce de concours, Anthèmes 1 fait montre d’une panoplie de techniques violonistiques, des plus classiques aux techniques de jeu étendues. Les deux Anthèmes s’articulent autour du , une note qui peut être jouée de diverses manières au violon : sur une corde ouverte, sur une harmonique naturelle ou artificielle, avec différentes harmonisations, etc. Le chiffre sept — artefact d’…explosante-fixe… — joue un rôle majeur dans les Anthèmes, tant par la présence abondante de septolets que dans la structure générale de l’œuvre, soit une introduction suivie de six parties. Les Anthèmes marquent également le retour d’un intérêt pour l’écriture thématique chez Boulez, le titre faisant allusion, par homophonie, à l’expression « en thème ». Comme Boulez l’expliquait à l’occasion de la création française d’Anthèmes 2, le 21 octobre 1997 à l’Ircam :   

À l’époque de ma très grande jeunesse, je pensais que toute la musique devait être athématique, sans aucun thème, et finalement je suis persuadé maintenant que la musique doit se baser sur des choses qui peuvent être reconnaissables, mais qui ne sont pas des thèmes au sens classique, mais des thèmes où il y a une entité qui prend des formes différentes, mais avec des caractéristiques si visibles qu’on ne peut pas les confondre avec une autre entité. [Boulez in Goldman, 2001, p. 117]

Le titre est également un néologisme dérivé du mot anglais « anthem », faisant ainsi référence à l'univers solennel et unidirectionnel de l’hymne. En effet, dans Anthèmes, le caractère général y est solennel, mais cette tranquillité est interrompue à plusieurs reprises par la violence éruptive de certains passages.

Thématiques et forme

Comme susmentionné, les Anthèmes proviennent d’un court fragment d’…explosante-fixe…, et plus précisément de la partie de violon de la pièce de 1973 pour flûte solo, petit ensemble et électronique. Dans le dernier mouvement de l’œuvre, intitulé Originel, le début de la partie de violon comporte sept notes en trille qui se retrouvent, dans le même ambitus, au début de la Section I d’Anthèmes 1 (dans Anthèmes 2, ce passage est étendu à plus de sept notes, ce qui obscurcit la présence du fragment original d’…explosante-fixe…). Si l’on considère que l’Introduction d’Anthèmes puisse avoir été composée vers la fin du processus de composition (puisqu’elle apparaît à la fin du manuscrit d’Anthèmes 1 [Boulez et al., 2009], les ouvertures des deux pièces / mouvements correspondent de manière saisissante [Figure 1].

Figure 1. Haut : …explosante-fixe… (version de 1973), mouvement Originel, partie de violon, mesure 1. Bas : Anthèmes 1, section I, mesures. 1-4 avec les sept notes communes encerclées [Score UE, 1992].

On observe que le , note centrale des Anthèmes, est également placé au centre de la série de sept notes. Cette position originelle n’est pas sans importance et se prolonge dans la production subséquente de Boulez, même si le compositeur n’accordait que peu d’importance aux points de départ des œuvres. Toujours lors de la création française d’Anthèmes 2, il explique :

Cette pièce est, comme souvent chez moi, une réflexion sur quelque chose que j’avais déjà écrit, qui n’était pas abouti ou qui est un tout petit noyau d’...explosante-fixe.... Vous me l’avez montré tout à l’heure d’ailleurs, parce que je n’avais plus l’exemple sous la main.  Mais c’est exactement sept notes au départ, pas plus.  Donc, je trouve que les points de départ ne sont jamais très importants. Ce qui est important, c’est toute la trajectoire. Et cette trajectoire, comme vous dites, est entre sept notes qui durent cinq secondes peut-être, et puis une pièce qui dure vingt minutes et qui a tout de même beaucoup d’invention à trouver. [Boulez in Goldman, 2001, p. 117-118]

Les thèmes évoqués dans le titre font référence à des figures musicales qui subissent des variations constantes sans toutefois perdre leurs caractéristiques d’identification (le phrasé, le tempo, le caractère rythmique, l’expression, la technique de jeu, l’intensité, etc.), les rendant ainsi facilement reconnaissables. Chaque thème suit une instruction de performance simple et directe. Par exemple, on trouve les indications « calme, retenu » au-dessus d’un accord souvent répété et arpégé en pizzicati nonchalants ; « brusque » au-dessus d’un passage rapide et presque impertinent d’emphase et « calme, régulier » inscrit pour un glissando langoureux. Les six sections relativement autonomes de l’œuvre sont séparées par une figure caractéristique, formée d’une ou plusieurs notes tenues sur les harmoniques, et qui se termine parfois par un glissando approximatif vers les aigus, formant ainsi une véritable signature sonore. Ne pouvant être confondues avec aucun autre son de l’œuvre, ces figures sont l’exemple classique de ce que Boulez appelle les « signaux ». Boulez associe ces signaux aux lettres hébraïques utilisées pour diviser les textes en latin du « Livre des Lamentations » qu’il récitait, enfant, pendant les cérémonies de la Semaine sainte à l’église du village de Montbrison, dans la vallée de la Loire. À cause de cette référence aux lettres hébraïques dans le texte imprimé du « Livre des Lamentations », ces signaux sonores seront parfois appelés « lettres » dans ce qui suit (voir §3.2). Les six sections (ou versets) d’Anthèmes 2 sont classées par chiffres romains de I à VI, les lettres sont indiquées par la lettre H (pour harmoniques) et leurs positions entre les versets sont indiquées par des chiffres romains (H I, H I/II, etc.). La longue sixième section est subdivisée en trois sous-sections : la première (VI.1) est liée thématiquement à l’ensemble de la pièce, la section centrale (VI.1) est autonome et implique un jeu de reconnaissance et de surprise entre quatre « personnages » identifiables et la troisième section (VI.3) est une coda conclusive qui réaffirme le rôle central de la note . Le tableau de la Figure 2 présente la forme de base des différentes sections, incluant les numéros de mesures et les types de procédés utilisés.

Figure 2. Sections d’Anthèmes 1.

La forme d’Anthèmes 2, malgré son apparente linéarité, est en fait foncièrement originale : la courte introduction est suivie de petites sections se concluant en un final qui dépasse en durée toutes les sections qui le précèdent. Bien qu’il n’était pas inhabituel pour Boulez d’écrire de longues sections finales (par exemple, dans Rituel), Anthèmes demeure un exemple extrême de cette pratique. Une forme analogue est utilisée par Gustav Mahler dans Das Lied von der Erde : la symphonie lyrique comprend cinq mouvements suivis d’un sixième dont la durée équivaut à celle des cinq premiers mouvements mis ensemble. Das Lied von der Erde fut publié en 1912 par Universal Edition, maison d’édition musicale qui deviendra celle de Boulez. Rappelons qu’Anthèmes 1 fut dédiée « en souvenir amical » à Alfred Schlee (1901-1999), le vénérable directeur de Universal à l’occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. En ce sens, la forme d’Anthèmes peut être lue comme un hommage secret à un autre illustre compositeur de Universal Edition. Cette hypothèse, bien que non vérifiée, devient un peu plus convaincante lorsqu’on se rappelle que Das Lied von der Erde de Mahler fut, avec la Quatrième symphonie, une des deux œuvres de Mahler que Boulez, dans sa jeunesse, avait entendu en concert [Boulez, 1995].

Comparativement à l’œuvre précédente pour violon solo, Anthèmes 2 est beaucoup plus ample, mais cette augmentation en durée respecte les proportions établies dans Anthèmes 1, chaque section étant « étirée » de manière substantielle [Figure 3].

Figure 3. Comparaison des durées relatives des sections d’Anthèmes 1 et 2 proportionnellement à la durée totale (la durée des sections inclut la durée de la « lettre » qui les suit). Enregistrements utilisés : Anthèmes 1 par Julie-Anne Derome [AR CD Atma, 1996] et Anthèmes 2 par Hae-Sun Kang [AR CD Deutsche Grammophon, 2000].

Dispositif technologique

Le Score Follower

À l’époque où Anthèmes 2 a été développé, des chercheurs de l'IRCAM ont essayé de mettre au point une technologie audio pour le Score Follower, ou « suiveur de partition », qui déclencherait des commandes informatiques pour le traitement audio (ou patchs) après avoir comparé les sons joués par le violon à la partition. Cependant, le résultat n’était pas assez fiable pour être utilisable lors de la création d’Anthèmes 2 et même lors des représentations ultérieures dans les années qui ont suivi. Au lieu de cela, les commandes audio étaient déclenchées manuellement par l'ingénieur du son qui suivait attentivement la partition pendant l’exécution. Ce n’est que ces dernières années qu’une nouvelle application informatique de suivi de la partition a été utilisée pour les représentations d’Anthèmes 2. Il n’en reste pas moins que, comme toutes les œuvres de Boulez produites à l’Ircam, Anthèmes 2 a été conçue non seulement comme une œuvre d’art, mais aussi comme l’occasion pour l’équipe de l’Institut de développer de nouvelles technologies dans le domaine de l’interface personne-machine.

Spatialisation

Anthèmes 2 présente deux configurations de performance : l’une, dans une salle de concert « traditionnelle » avec scène face au public, et l’autre, en plaçant la violoniste au centre de l’espace de concert, avec le public disposé donc autour de l’interprète [Figure 4]. Boulez préférait la deuxième configuration pour des raisons d’effets dramatiques, mais aussi parce que l’œuvre était souvent jouée en tandem avec Répons, pièce pour orchestre à cordes placé au centre de l’espace de concert.

Figure 4. Les deux configurations scéniques d’Anthèmes 2 [© Score UE, 1997b].

Boulez a toujours fait usage de la spatialisation comme moyen de clarifier le texte musical. Cet exemple précis découle d’un principe plus large appliqué par Boulez en fin de carrière, où un type d’écriture musicale est utilisé pour articuler, accentuer ou mettre en relief la structure d’un autre type d’écriture musicale. Dernière pièce écrite par Boulez pour électronique, Anthèmes 2 hérite donc de plusieurs concepts de spatialisation élaborés précédemment dans Répons, Dialogue de l’Ombre Double, dans …explosante-fixe… et même dans les premières tentatives du compositeur de combiner l’orchestre et les sons électroniques (Poésie pour pouvoir, 1958). La spatialisation occupe également une place centrale comme paramètre de composition dans plusieurs œuvres de Boulez sans partie électronique, comme Figures, doubles, prismes (1963) et Domaines (1970). Anthèmes 2 marque pourtant un tournant dans l’approche de la spatialisation. Les œuvres précédant Anthèmes 2 font usage d’un lien direct entre la position physique des haut-parleurs et la direction perçue de la source sonore. Anthèmes 2 fut la première pièce à utiliser le logiciel Spat, une technologie de spatialisation développée à l’Ircam dans les années 1990 qui ouvrit la voie aux recherches en matière de salles acoustiques virtuelles et de sources sonores virtuelles [Jot and Warusfel, 1995 ; Carpentier et al., 2015]. La relation directe entre la position du haut-parleur et la perception d’une source sonore étant ainsi brisée, les directives de spatialisation d’Anthèmes 2 décrivent la position perceptuelle souhaitée des sources sonores, indépendamment du nombre de haut-parleurs (quatre, six ou huit) utilisés pendant la performance.

La spatialisation dans Anthèmes 2 donne lieu à tout un nouveau système de notation. Quelques exemples des instructions de spatialisation d’Anthèmes 2 sont fournis à la Figure 5. Il y est indiqué que le programmeur informatique doit, en alternance : « choisir un chemin aléatoire longeant le côté gauche ou le côté droit de la salle » ; « en partant de la position arrière gauche, traverser la position avant pour se rendre à la position arrière à droite, puis revenir au point de départ, le tout en seize secondes » ; « effectuer une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre en dix-huit secondes » ; « en partant de la position avant, effectuer une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre en dix-huit secondes » ; et « choisir au hasard une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre ou une rotation inverse qui prend en tout cinq cents millisecondes ».  

Figure 5. Diverses instructions de spatialisation indiquées dans la partition d’Anthèmes 2 [© Score UE, 1997a].

Et pourtant, la spatialisation dans Anthèmes 2 est toujours au service de l’aspect dramaturgique de l’œuvre et ne tombe jamais dans l’exploration abstraite de paramètres spatiaux. La violoniste sur scène incarne le point d’ancrage de toute opération de spatialisation : par sa présence physique, les sons électroniques sont perçus, soit comme étant avec ou contre elle, soit dans une position fixe par rapport au violon ou en mouvement autour de celui-ci, etc. Ce jeu de cache-cache dans l’espace est plus fondamental à l’œuvre que le fait de déterminer une position cartésienne précise.  

Le rôle de l’électronique

Le traitement électronique, développé à l’Ircam, transforme en temps réel le son du violon capté à l’aide d’un microphone. Ces sons transformés sont diffusés par un système de haut-parleurs distribués autour de la salle. Cette transformation électronique in situ permet au geste et au style de la violoniste au cours d’une performance d'avoir un impact direct sur le son électronique.  Dans cette œuvre, Boulez cherche consciemment à limiter le rôle de l’électronique à l’augmentation du son du violon, le transformant ainsi en ce qu’il appelait un « hyper-instrument ». Si le son du violon dans cet hymne qu’est Anthèmes s’apparente à la voix d’un prêtre officiant, celles, multiples, de la partition électronique d’Anthèmes 2 rappellent le chœur. De fait, Boulez n’exploite un jeu d’appel et de réponse entre le violon et l’électronique que dans une brève section de l’œuvre (VI.1), la vaste majorité de la partition électronique étant utilisée pour créer une texture homophonique de laquelle la voix du violon peut émerger.

Anthèmes 2 utilise deux types très communs de traitement du son pour densifier la ligne principale du violon : le décalage de fréquence et l’harmonisateur. Ce dernier ajoute un certain nombre de notes autour de la note jouée et ce, à intervalle fixe de celle-ci. Ainsi, la monodie se transforme en séquence d’accords évoluant en mouvement parallèle. Après une écoute prolongée d’un son ainsi traité, un phénomène de fusion se produit par lequel on peut entendre une masse sonore homogène générant un nouveau timbre, plutôt qu’une séquence délimitée d’accords. À la différence de l’harmonisateur, le décalage de fréquence ajoute un ou plusieurs sons à la note jouée, séparés de celle-ci par une fréquence fixe (c’est-à-dire séparés par un certain nombre de hertz et non par un intervalle tempéré.) La densité résultante de la ligne est ainsi moins uniformisée que dans le cas du son traité par l’harmonisateur — la relation logarithmique entre la fréquence et les notes de la gamme implique que plus la note est basse, plus l’écart entre celle-ci et le son émis par décalage de fréquence est grand. L’ouverture de la section I fait montre de cette différence entre les résultats sonores de l’harmonisateur et du décalage de fréquences : le premier geste de la violoniste (les appogiatures phrasées en legato) est augmenté de quatre notes ajoutées par l’harmonisateur, tandis que le septolet effectué d’un coup d’archet en ricochet est traité via un décalage de fréquence, pour être ensuite diffusé autour de la salle [Figure 6].

Figure 6. Anthèmes 2, section I, mesure 1 [© Score UE, 1997a].

Cette figure illustre également la manière dont Anthèmes 2 traite chaque partie électronique comme un instrument à part entière, avec leur propre portée dans la partition. Ce détail en apparence futile révèle en fait un fondement de l’approche de Boulez en ce qui concerne l’électronique : la primauté de la notation musicale et, conséquemment, la place de choix accordée aux traitements sonores qui peuvent être traduits par des mots ou des symboles graphiques et qui se soumettent donc à une certaine logique discursive. Les parties électroniques notées peuvent également être perçues comme un moyen d'échapper à la nature éphémère de l’équipement électronique en décrivant les procédés via des formules notées qui pourraient, théoriquement, suffire à transmettre la vision de Boulez à de futurs musiciens. Il est clair que cet accent mis sur la notation a pour effet d’exclure tous types de manipulations électroniques qui ne se prêtent pas à l'écriture graphique ou verbale. Mais ce que Boulez perd d’un côté, il le regagne de l’autre, en potentiel de transmission. De plus, l’approche du compositeur en matière de notation électronique (qu’il adopte dans d’autres œuvres avec électronique, incluant Répons et ...explosante-fixe...) permet une certaine liberté d’interprétation à la personne qui contrôle les sections électroniques, au même titre qu’un musicien qui interprète une partition. Comme souligné par Augustin Muller, important interprète de la partie électronique d’Anthèmes 2, l’électronique notée de Boulez donne une plus grande liberté d’interprétation que d’autres œuvres où l’électronique n'est pas notée, dans la mesure où il est possible de choisir les sons précis, les couleurs, la balance et les qualités de spatialisation du son, à la manière d’un musicien qui joue dans un ensemble de musique de chambre.

De plus, par l’utilisation d’effets de délai, l’électronique permet l’extension rythmique du texte musical — les réverbérations « infinies » offrent la possibilité d’étirer le son du violon indéfiniment. La production de partitions virtuelles complexes, informatisées à partir d’échantillons sonores du violon, ouvre la voie à une écriture qui transgresse les capacités habituelles du violon, étirant son ambitus et permettant des sauts, des combinaisons de notes et des vitesses inatteignables sur un violon purement acoustique. De manière plus précise, l’électronique est utilisée pour la création de structures verticales de grandeurs variées, construites autour de notes individuelles jouées sur le violon. La spatialisation sonore a donc pour but — tout comme dans les autres œuvres de Boulez pour électronique — de décrire et d’articuler le texte musical.

L’électronique en temps réel chez Boulez rappelle les esquisses pédagogiques de l’artiste du Bauhaus Paul Klee, parallèle souvent proposé par le compositeur lui-même [Boulez, 1989 ; 2008]. Comme Klee dans plusieurs de ses exercices, Boulez tente de trouver une manière d’amplifier une figure par l’épaississement, par l’étirement ou par d’autres moyens d’altérer le cours de son énergie [Figure 7].

Figure 7. Extrait de Paul Klee, Pedagogical Sketches (Esquisses pédagogiques) [Klee, 1953, p. 18-19].

Analyse

Introduction

Cette section, marquée « Libre », sert d'ouverture et contient plusieurs idées reprises ailleurs dans la pièce. Y est affirmée l’importance du chiffre sept et du point d’ancrage autour de la note , qui apparaît ici sous forme d’un long trille, figure favorite chez Boulez et dont on trouve locus classicus dans Répons. Le 4 central joue un rôle d’importance : il s’agit de la note principale du trille vers lequel converge la phrase initiale ; il forme l’aiguë à partir duquel sont construites les dyades ; le 4 est la note initiale de toutes les petites séquences, la note de référence pour le décalage de fréquence vers le grave et la note qui perdure à la fin des couches de réverbérations infinies. Un geste bref, marqué col legno battuto et joué sur le naturel, coupe soudainement les réverbérations persistantes et signale ainsi la fin de l’Introduction. Ce même geste réapparaît à la fin de la pièce, indiquant ainsi que la pièce débute et se termine avec le 4 central. Ce geste initial évoque également, de façon métaphorique, les diverses étapes de l’évolution d’un son du point de vue acoustique : l’attaque, la réverbération et la décroissance sonore (l’appogiature étant l’attaque, le trille la réverbération et le col legno battuto en jeu double-corde sur la décroissance). [Figure 8]

Figure 8. Anthèmes 2, section “Libre”, mesures 1-3 [© Score UE, 1997a].

Média 1a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 1b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Certains traits caractéristiques de l’électronique peuvent déjà être établis via cet exemple. Premièrement, la réverbération infinie crée progressivement une couche de son statique. Ce phénomène opère sur deux plans : 1) en captant le son en temps réel du violon pendant les deux premières mesures de l’introduction, suivie d’un long decrescendo à la mesure trois ; 2) en réinjectant une séquence rapide d’échantillons sonores du violon (qui ne sont pas entendus directement) dont les hauteurs proviennent de la première mesure. Ainsi sont créées les deux couches de réverbération infinies. Deuxièmement, de courtes séquences d’échantillons sonores du violon interviennent lorsque le violon atteint le trille à la première mesure, de même que chaque dyade à la mesure deux. À la mesure trois, le décalage de fréquences est utilisé pour transposer le son du ricochet vers le grave, élargissant ainsi le registre de l’instrument acoustique.  

Lettres et transitions

Comme expliqué précédemment, ces lettres font office de signaux pour marquer les points de transition entre les sections (HI, HI/II, HII/III, etc.), rappelant les lettres hébraïques qui divisent les versets du « Livre des Lamentations ». Parlant de son concept des signaux, Boulez explique que : « les signaux servent à marquer les points d’articulation d’un développe- ment, d’une forme. Un signal peut être considéré, avant tout, comme un moyen mnémotechnique » [Boulez, 2005, p. 312]. Si on considère Anthèmes 2 comme alternant écriture statique et dynamique, les lettres représentent le côté statique du balancier, lieu des idées en devenir [Figure 9].

Figure 9. Anthèmes 2, première « lettre » H/I [© Score UE, 1997a].

Média 2a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 2b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Comme on pourrait s’y attendre, le son du violon acoustique ainsi que celui des transformations électroniques sont disposés dans l’espace de manière complètement stationnaire, comme il convient à ce genre d’événement statique ayant pour but de marquer une pause entre le dynamisme des versets. Deux harmonisateurs sont utilisés pour transposer le son du violon soit de onze ou de vingt-trois demi-tons plus bas, élargissant ainsi le registre vers le grave. Le son du violon est transformé de plus belle par deux modulateurs en anneaux qui injectent un spectre harmonique complexe dans un filtre en peigne, lui-même réglé à une fréquence de réjection grave, produisant ainsi un riche spectre inharmonique statique. En ce qui a trait à la spatialisation, le violon acoustique, les modulateurs en anneaux joints au filtre en peigne et la réverbération infinie sont placés à l’avant de l’espace de concert, tandis que les harmonisateurs se trouvent sur les côtés. Chaque lettre comprend un certain nombre de ces « sons de cloche » : la Figure 10 montre les hauteurs utilisées dans ces sections en lettres, qui débutent et se terminent sur le central de l’œuvre.  

Figure 10. Hauteurs utilisées dans les sections en « lettres » d’Anthèmes 2

Section I

D’ordre général, l’écriture pour violon de cette section est caractérisée par une ligne monodique et expressive — selon le patron boulézien de l’appogiature (ici, un patron de sept notes) — suivie d’un trille soutenu et se terminant par un certain nombre de notes brèves accentuées par des ornements. L’électronique de cette section élargit et souligne la partie de violon [Figure 11]. Premièrement, lors des phrasés expressifs, les harmonisateurs construisent des accords vers le grave à partir des notes jouées par le violon, « épaississant » ainsi la ligne mélodique à la manière des esquisses pédagogiques de Klee. Ensuite, la création de dyades, formées à partir d’échantillons du violon en pizzicato, est déclenchée chaque fois que le violon joue un trille. Troisièmement, lors des passages rapides de sept notes, l’effet est accentué par la spatialisation qui projette le son du violon du fond de la salle vers l’avant. Enfin, à la fin de ces passages rapides, lorsque le violon reprend sa mélodie expressive, la première note de la ligne est, pour ainsi dire, « cristallisée » par l’effet de la réverbération infinie, augmentant ainsi son impact et, par le fait même, marquant le début d’un nouveau phrasé expressif.

Figure 11. Anthèmes 2, section I, mesures 1-5 [© Score UE, 1997a].

Média 3a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 3b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Section II

Cette section s’inspire de la sculpture Compression « Ricard » (1962), une œuvre provocante de l’artiste français César (1921–1998), conservée au Centre Pompidou [Figure 12]

Figure 12. César, Compression « Ricard » (1962) [© Centre Pompidou].

César a inséré diverses parties d’automobile de couleurs variées dans une presse hydraulique, créant ainsi un bloc de métal compact et multicolore. La section II d’Anthèmes 2 est caractérisée par ce qu’on pourrait qualifier de l’équivalent musical de la compression, à savoir l’absorption des différentes voix d’un canon par une seule ligne au violon. Ce canon est de forme ternaire (dans Anthèmes 2 : A=II.1–61, B=II.62–72 A’=II.73–118). Les trois sections de cette forme sont mises en relief par l’électronique, les sections périphériques faisant usage d’un patch de décalage de fréquence et la section centrale de l’harmonisateur. Une séquence de seize hauteurs et une autre d’autant de durées forment les doubles points de départ de ce canon [Figure 13].

Figure 13. Séquences de hauteurs et de durées dans le canon rythmique de la section II d’Anthèmes 2.

Cette séquence de hauteur est jouée en boucle fixe, tandis que les durées se transforment pour créer trois séries de durées différentes. Chaque valeur des trois séquences de durées (I, II ou III) se superpose à une autre valeur pour générer une nouvelle série rythmique (pour la première transformation, les 3 se superposent aux 2 — c’est-à-dire que la croche pointée devient une croche —, les 1 se superposent aux 4, les 2 aux 3 ; dans la deuxième transformation, les 2 deviennent des 4, le 4 se superpose au 3 et le 3 au 5) [Figure 14].
   

Figure 14. Transformations des durées (mesurées en doubles croches) du canon rythmique à trois voix de la section II d’Anthèmes 2.

Chaque valeur des trois séquences rythmiques se voit ensuite attribuer une hauteur dans l’ordre de la séquence invariable, qui est ensuite compressée, à la manière de César, dans une seule et même ligne. (Le tout redécoupé, par souci de clarté, dans la Figure 15). Dans la quatrième ligne résultante, seulement les attaques des pizzicati ont été prises en compte et la cinquième ligne indique les ajustements faits dans la partition.

Figure 15. Début du canon à trois voix dans la section II d’Anthèmes 2 (hauteurs et rythmes seulement) ; divergences encerclées.

Il suffit de comparer la ligne résultante avec la partition de la section II (à partir de la deuxième mesure) pour comprendre toute l’expression du canon rythmique, une technique privilégiée par Boulez — et par Olivier Messiaen, qui fut son professeur — et ce, malgré qu’il s’écarte du plan à quelques reprises pour éviter à la violoniste de jouer, par exemple, des quintes parfaites en double-corde.

   **Figure 16. *Anthèmes 2*, section II, mesures 1-6 [© Score UE, 1997a].**

Média 4a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 4b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

La partie électronique de cette section offre un contrepoids à l’écriture en canon de la partition instrumentale : alors que le thème du canon rythmique est diffusé à des vitesses variables par les haut-parleurs, le son alterne entre un sillon linéaire et circulaire. Boulez a qualifié la conception spatiale de cette section de « contrepoint spatial », qui met en contraste et qui complémente le contrepoint temporel de la ligne du violon, créant ainsi une texture sonore qui varie selon la position de l’auditeur dans la salle. Qui plus est, le son du violon se superpose à des versions altérées de lui-même, diffusées par voie de décalage de fréquences (afin d’enrichir le registre grave). Des effets de délai sont utilisés pour créer des patrons à partir des valeurs rythmiques de la série de notes originale [Figure 17].

Figure 17. Une page des croquis d’Andrew Gerzso pour les patrons d’effets de délai dans le traitement de la section II d’Anthèmes 2.

Dans la Figure 17, les attaques du thème rythmique original sont traduites en millisecondes. La première séquence d’effets de délai donne la valeur des six premières attaques du thème alors qu’elles se diffusent dans le temps. Dans les dix-neuf passages consécutifs (chaque colonne de la figure), ces valeurs de délai varient graduellement pour correspondre à d’autres attaques du thème, donnant ainsi une impression d’expansion et de contraction temporelle (la ligne diagonale de la Figure 17 démontrant la durée totale inégale de chacune des dix-neuf itérations). Ces séries de compressions et d’expansions des effets de délai sont superposées à la partie de violon afin d’accroître l’idée d’origine, mais aussi pour mettre à l’épreuve les capacités de l’auditeur en ce qui a trait à la distinction entre le violon et les sections électroniques. Une autre couche sonore est fournie par ce que Gerzso appelle le « cantus » (la colonne la plus à droite dans l’esquisse). Il s’agit de trois courtes séquences rythmiques générées à partir de sous-ensembles du motif rythmique du violon qui sont incarnées par des notes en pizzicato échantillonnées (le premier cantus est visible dans la portée « Sampler » de la figure 16).

Section III

Outre son utilisation du traitement sonore en temps réel, Boulez était mû d’un intérêt profond pour le potentiel virtuose de l’ordinateur et pour la manière dont il permet de transgresser les limites de la performance musicale humaine. Ici, l’idée est poussée encore plus loin : le violon et l’électronique se confrontent. Le caractère de l’écriture musicale pour violon est instable et imprévisible, caractère confirmé par le « Nerveux, irrégulier » marqué à la quatrième mesure de cette section, indiquant à l’interprète de changer abruptement de nuances, d’allonger les notes de longues durées et de raccourcir celles de courte durée. En effet, lorsqu’on écoute l’interprétation magistrale de Hae-Sun Kang et d’Andrew Gerzso [AR CD Deutsche Grammophon, 2000], il est frappant de constater à quel point Kang réussit à imprégner chaque note d’une durée et d’un niveau de nuance distinct. La partie électronique est créée par des algorithmes de composition en temps réel, générant ainsi un matériau semblable, au niveau du caractère, à celui du violon. Ces deux couches — soit l’écriture pour violon et celle pour électronique — sont ensuite mises en superposition [Figure 18].

Figure 18. Anthèmes 2, section III, mesures 1-9 [© Score UE, 1997a].

Média 5a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 5b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Parlant de cette section lors de la création française, Boulez mit l’accent sur l’environnement aléatoire créé par l’électronique :

Vous avez aussi un environnement aléatoire, c’est-à-dire que le violon joue un certain nombre de figures qui sont très dirigées et la machine, elle, prend les mêmes notes pratiquement, mais elle en fait [autre chose] comme si vous remuiez quelque chose très vite, mais dans n'importe quel ordre : seul le champ est fixé, mais l’ordre n’est pas fixé. Tandis que, là, le champ est fixé, mais l’ordre est fixé aussi. Là aussi on peut avoir une opposition — pas de coordination cette fois-ci — entre un geste qui est très volontaire et des gestes qui sont complètement sans volonté. [...] Et c’est un contraste, toujours, entre des sons très forts et des sons très piano. Il y a un contraste de tempo, j’ai écrit exprès extrêmement irrégulier : il faut  qu'il  soit comme  ataxique,  qu'on  ait  l'impression  [que la  violoniste]   ne  contrôle  plus ses  mouvements.  C'est une espèce d’ataxie, mais  qui  [est] réalisée  avec  des valeurs  numériques.  [Boulez, dans Goldman, 2001, p. 130]

Ainsi, l’auditeur est incapable de distinguer le violon acoustique de l’électronique, situation ambiguë de la perception que Boulez chérissait particulièrement dans ses créations. Cette section démontre également comment l’électronique sert la conception thématique d’Anthèmes 2 en imprégnant chaque thème de sa propre signature sonore. Cette fonction caractéristique de l’électronique pour l’identité thématique des figures est aussi démontrée à la Figure 17, où les phrases sont composées de quatre thèmes distincts (ou cellules, vu leur brièveté) : un trémolo ponticello (1), une appogiature de sept notes (2), un trille tenu (3) et, finalement, une ligne nerveuse, en soubresauts (4). Chacune de ces figures est identifiable à l’ouïe grâce à un traitement électronique qui lui est propre : la modulation en anneaux (1), le décalage de fréquence (2), l’harmonisateur (3) et des échantillons spatialisés et mis en réverbération (4).     

Section IV

La quatrième section est formée de deux parties périphériques — marquées « instable » (dans Anthèmes 2, mesures 1-11 et 25-39 ; dans Anthèmes 1, mesures 67-71 et 80-88)  et composées de trilles qui sont parfois joués en jeu double ou triple-corde — et d’une partie centrale (mesures 72-79) écrite principalement en triples croches. La partie centrale n’utilise que neuf hauteurs distinctes et de registre fixe. Les sections périphériques (A et A’) de cette petite forme ternaire sont dotées d’une organisation des hauteurs particulièrement symétrique (voir le début de la section A dans la Figure 19).

Figure 19. Anthèmes 2, section IV, mesures 1-4 [© Score UE, 1997a].

Dans Anthèmes 1, la section A est composée de douze attaques et le A’ en a dix-huit. Anthèmes 2 double le nombre de ces attaques. Regardons, par exemple, l’organisation des hauteurs du solo pour violon d’Anthèmes 1. Dans le A’, parmi les douze trilles, quatre jeux triple-corde sont marqués ff, quatre jeux double-corde mf et quatre notes seules p. La symétrie des hauteurs apparaît lorsqu’on regroupe les notes du haut (des jeux double ou triple-corde) ou les notes seules par nuance [Figure 20].     

Figure 20. Organisation des notes du haut d’Anthèmes 2, section IV, regroupées selon leur nuance respective.

Comme le montre la Figure 20, la section A d’Anthèmes 1 comporte trois séries de quatre notes qui sont toutes des transpositions et/ou des rétrogrades les unes des autres, avec une structure d’intervalle particulièrement symétrique de 5-8-5 demi-tons. Le A’ comporte également trois séries de six notes dont certaines ont également une structure d’intervalle symétrique de 6-5-5-5-6 demi-tons (dans la dernière série, les deux dernières hauteurs, soit le et le sol#, sont inversées). Dans la section A’ d’Anthèmes 2, une deuxième séquence de douze notes suit une première séquence identique à celles d’Anthèmes 1, mais sans respecter le plan symétrique. De façon similaire, dans le A’ d’Anthèmes 2, au lieu de suivre les dix-huit notes qui apparaissent dans la version d’origine, dix-huit trilles les précèdent, encore une fois sans respecter le patron symétrique.  

Ainsi, il n’est peut-être pas si saugrenu d’avancer l’hypothèse selon laquelle le profil symétrique — et très Webernien — de la Section IV, avec ses séries identiques lorsque lues de droite à gauche et de gauche à droite, serait en fait un hommage secret au dédicataire d’Anthèmes 1, Alfred Schlee, à qui la pièce fut offerte en guise de cadeau d’anniversaire le 19 novembre 1991, pour ses quatre-vingt-dix ans. La dédicace d’Anthèmes 1 indique : « à Alfred Schlee — en souvenir amical du 19.11.91 », Boulez ayant choisi d’écrire la date de l’anniversaire en palindrome (puisque 191191 se lit de la même manière de droite à gauche et de gauche à droite). Peut-être les palindromes musicaux de cette quatrième section sont-ils un clin d’œil à la symétrie de la date d’anniversaire de Schlee (et, au passage, à Webern, un autre compositeur des éditions Universal).  

Pour ce qui est de la conception électronique de cette section, au lieu d’utiliser la spatialisation pour articuler le texte musical selon sa pratique habituelle, Boulez en fait usage ici pour amplifier et souligner l’énergie des gestes de la violoniste. En résulte un son acoustique du violon (sans transformation) qui se déplace abruptement d’une position à l’autre dans l’espace autour du public, utilisant un patron rythmique qui imite la partie de violon sans y être synchronisé, cette absence de synchronisation précise créant une certaine tension musicale. Dans la section centrale, par contraste, la réverbération infinie obscurcit les hauteurs principales du violon. Quant au traitement électronique de cette section, il présente une situation dans laquelle le violon et l’électronique expriment des affects opposés. Alors que le violon joue de violents trilles en jeu double et triple-corde, l’électronique présente des notes calmes et régulièrement espacées (échantillons de notes de violon jouées arco et pizzicato pourvues d’une réverbération infinie) qui contrastent avec ces trilles par leur sérénité. Elles créent une toile de fond paisible sur laquelle la violence des gestes du violon est mise en relief.

Section V

La courte cinquième section reprend du matériel thématique déjà entendu, soit a) une première phrase se conformant à l’appogiature de sept notes (patron devenu habituel à ce point dans l’œuvre), suivi de b) de longs trilles qui terminent leur cours avec c) de courtes croches ornementées, le tout, encore une fois, traité par décalage de fréquences et par l’harmonisateur. À la suite de cette forme en triptyque, entendue pour la première fois dans la Section I, une section centrale revient au matériau « ataxique », déjà entendu dans la Section III : on y entend un passage marqué « nerveux et extrêmement irrégulier », joué en dents de scie. Cette section se résout finalement en une ambiance plus tranquille, avec le violon qui joue de doux trilles et l’électronique qui ajoute des pizzicati provenant d’échantillonnage sonore du violon.  

Section VI

Section VI.1 Le violon et l’électronique en dialogue ; figure « à la Klee »

La longue section finale est divisée en trois sous-sections, la première étant la seule instance dans l’œuvre où les phrases électroniques suivent les phrases du violon en question-réponse, rappelant en quelque sorte le répons liturgique. Le violon exécute de rapides passages suivis de longs trilles. Alors que ces trilles s’estompent, des échantillons de violon très rapides sont déclenchés. Ceci mène à la longue section centrale. L’électronique dans cette section illustre on ne peut plus clairement le lien avec les esquisses pédagogiques de Klee : les lignes monodiques du violon sont suivies par des échantillonnages électroniques du violon, diffusés en pizzicati, qui élargissent la ligne acoustique de manière géométrique, et par des échantillons électroniques de passages rapides tirés de groupements d’accords prédéfinis, le tout renforcé par des blocs sonores de formes diverses. En effet, suivant les esquisses pédagogiques de Klee, la ligne unidimensionnelle du violon est mise en contrepoint par des sons qui tracent des formes sur le plan des hauteurs et du temps : triangle sonore descendant suivi d’un rectangle ; un triangle sonore qui débute dans le registre grave et qui remonte, suivi d’un rectangle ; ou l’une ou l’autre de ces formes dans des positions inversées (le rectangle suivi du triangle). Certains réalisateurs en informatique musicale [RIM] vont jusqu’à utiliser une partition, annotée à la main par Andrew Gerzso et aussi par Boulez lui-même, qui indique ces formes sur la partition [Figure 21], alors que Gerzso a donné à ce patch le nom suggestif de « klee-machines ».

Figure 21 : extrait de la partition annotée de Andrew Gerzso, tiré de la section VI.1 d’Anthèmes 2, avec les formes « à la Klee » encerclées [Arch. Ircam].

Section VI.2 Jeu de reconnaissance et de surprise

Parlant du retour de l’écriture thématique dans Anthèmes 2, Boulez souligne la manière dont les thèmes furent utilisés dans la longue section centrale de la dernière partie d’Anthèmes 2 :

Et donc, ici, c’est plein de choses comme cela, qu’on peut repérer pratiquement tout de suite. Mais ce qu’on ne repère pas, c’est l’ordre et le désordre dans lequel viennent ces événements : on les reconnaît, mais on ne sait pas quand est-ce qu’ils vont venir ; on les reconnaît après coup. Et ce qui m’intéresse, c’est justement d’avoir à la fois cet effet de surprise et de reconnaissance : on a une variation sur quelque chose de global, et en même temps, c’est très caractérisé au moment même où on l’entend [Boulez in Goldman, 2001, p. 117]

Dans cette section (VI, mesures 54-163) — qui constitue, à bien des égards, le cœur de l’ensemble de l’œuvre — il y a une sorte de dialogue entre quatre objets musicaux clairement définis (marqués a, b, c et d dans la Figure 22).

Figure 22. Quatre thèmes d’Anthèmes 2, section VI.2 [© Score UE, 1997a].

Média 6a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 6b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Ces quatre motifs sont aisément identifiables par leurs caractéristiques propres, soit la figure de ricochet en jeu double-corde marquée « calme, retenu » de l’élément a ; l’« agité, pizz. » de l’élément b ; le violent coup d’archet marqué « brusque » de l’élément c ; et enfin l’accord brisé en pizzicati, mettant l’accent sur la note et marqué « calme, retenu, pizz. » de l’élément d. Chacun de ces éléments, ou thèmes, ont une « enveloppe » — pour utiliser un terme prisé par Boulez — qui lui est propre : tous ont un style de jeu, un phrasé, une articulation et des nuances, etc., qui lui sont caractéristiques, au-delà du contenu brut en hauteur et en durée. Bien que ces thèmes n’apparaissent jamais deux fois dans des formes identiques, il est impossible de les confondre entre eux.

Quoique ces thèmes soient reconnaissables, Boulez accorde néanmoins beaucoup d’importance à cet élément de surprise susmentionné, attribué ici à l’ordre dans lequel les thèmes apparaissent. En effet, l’ordre de leur apparition fut conçu pour souligner cette imprévisibilité (un thème b peut être suivi par un a, un c par un d) qui est, selon Boulez, complètement intentionnelle. Les quatre thèmes apparaissent donc dans l’ordre (ou plutôt dans le désordre) illustré à la Figure 23.

Figure 23. Ordre des quatre thèmes d’Anthèmes 2, section VI.2.

L’électronique utilisée dans la section VI.2 sert à caractériser de plus belle chacun des quatre thèmes. Pour le thème a, soit le segment en coup d’archet ricochet, le décalage de fréquence est utilisé pour élargir le registre du violon vers le grave. Pour le thème b, deux types de traitement électronique sont utilisés : le premier fait usage à la fois de l’harmonisateur et du délai afin de complexifier l’aspect rythmique du segment tout en élargissant le registre par la transposition vers le grave ; le second crée un contraste avec le caractère « agité » de l’écriture instrumentale par l’utilisation d’accords construits à partir d’échantillons du violon avec sourdine peigne, pour ensuite les prolonger avec la réverbération infinie. Pour le troisième thème c, marqué « brusque », au lieu de souligner la puissance du geste violonistique par la spatialisation (comme à la section IV), ici Boulez accomplit ceci par le déclenchement de séquences rapides et agressives faites d’échantillons du arco et des pizzicati du violon. Enfin, les doux accords en arpèges pizzicati du quatrième thème d utilisent deux modulateurs en anneaux, tout comme dans le traitement des harmoniques des transitions en « lettres ». Ces modulateurs en anneaux injectent un spectre harmonique complexe dans un filtre en peigne, lui-même réglé à une fréquence de réjection grave, produisant ainsi un riche spectre inharmonique. Ici, le résultat obtenu est un tant soit peu différent de celui des lettres puisque les accords lentement arpégés ajoutent un aspect percussif à la résonance créée par les filtres en peigne. De plus, une série d’accords construite à partir d’échantillons d’onde sinusoïdale couvrent partiellement les accords brisés du violon.   
 
Section VI.3

Cette section finale de l’œuvre est caractérisée par deux idées musicales qui convergent toutes deux progressivement vers le central avec lequel la pièce débute et se conclut [Figure 24].

Figure 24. Anthèmes 2, section VI, mesures 164–170 [© Score UE, 1997a].

Média 7a. Hae-Sun Kang (violon) sans électronique [© Arch. Ircam].

Média 7b. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

La régularité rythmique du style de jeu moto perpetuo de la partie de violon, faite de triples croches presque ininterrompues, crée une impression étrangement statique qui contraste avec l’écriture en soubresauts des sections précédentes. À mesure que cette section se déploie, le motif musical converge lentement mais sûrement vers le central. La partie électronique crée une sorte de nuage spectral dense qui voile partiellement le solo au violon. De manière générale, ces « nuages » sonores sont créés par la réinjection d’échantillons du violon (qui ne sont pas entendus in situ) dans un module de réverbération infinie. Deux couches de ces « nuages » sont créées puis superposées. Le matériau musical pour chacune de ces deux couches se base sur une hauteur principale et sur un ensemble de hauteurs auxiliaires construites autour d’elle.  La première couche est créée à partir de notes choisies au hasard parmi celles de l’ensemble de notes auxiliaires, pour ensuite les injecter en rafale dans le module de réverbération infinie. La deuxième couche est créée en injectant à répétition la hauteur principale dans un second module de réverbération infinie. Au début de cette section, les hauteurs principales suivent les hauteurs centrales jouées par le violon. Puis, à mesure que progresse la section, la taille de l’ensemble des hauteurs diminue et la hauteur principale converge lentement vers le naturel. Lorsque la partie de violon et les « nuages » ont tous deux convergé vers ce 5, les « nuages » sont abruptement coupés par un bref geste col legno battuto (rappelant l’introduction de l’œuvre, marquée « Libre ») [Figure 25].  
 

Figure 25. Fin d’Anthèmes 2 [© Score UE, 1997a].

Média 8. Hae-Sun Kang (violon) avec électronique [© Arch. Ircam].

Ce geste sec du bois de l’archet sur les cordes met un terme au traitement électronique et à l’œuvre dans son ensemble. Boulez a conçu ce final avec humour, comme si la violoniste disait, par ce col legno battuto, « maintenant, ça suffit, au revoir » [Boulez in Goldman, 2001, p.118].

Version pour alto

Tout comme le Dialogue de l’ombre double (1985, qui fut adapté pour saxophone alto (2001) et Messagesquisse (1976), arrangé pour ensemble d’altos (2000), Anthèmes 2 fut, à la demande de l’altiste Odile Auboin de l’Ensemble Intercontemporain, adapté pour alto. Préparée par Auboin en 2008, cette version fut autorisée par Boulez et publiée par Universal Edition [Score UE, 2008]. La création eut lieu le 30 juin 2021 à Paris à la Cité de la musique par Auboin, avec l’électronique par Augustin Muller. Le traitement électronique a demandé quelques ajustements pour s’adapter à la fois au registre plus grave de l’alto, ainsi qu’à son timbre et ses caractéristiques de jeu.

Puisque certaines sections de l’œuvre utilisent le Score Follower, il fut nécessaire de transposer la fréquence de référence de l’analyse audio dans la version pour alto. Étant donné que le traitement de l’harmonisateur touche justement les transpositions, ces patchs n’ont pas dû être modifiés. Cependant, pour ce qui est du traitement par décalage de fréquence, une correction de 2/3 dut être appliquée à la sortie du patch. Quelques ajustements furent également appliqués à la partition de l’interprète, principalement pour tout ce qui a trait au tempo de certaines séquences, en particulier celles jouées pizzicato (voir sections II et VI.3), afin d’accommoder l’altiste pour qui ce type de manœuvres demande plus de temps que sur un violon. De plus, afin de prendre en considération les diverses caractéristiques physiques des cordes de l’alto comparativement à celles du violon, un ensemble d’échantillons — surtout faits à partir de notes pizzicati — fut créé pour correspondre au timbre et aux caractéristiques de jeu de l’alto. Tous ces changements à la partie électronique furent effectués par Augustin Muller qui, depuis 2017, prend en charge toutes les œuvres de Boulez produites à l’Ircam lorsqu’elles sont jouées.    

Boulez avait aussi pour projet de développer Anthèmes 2 en une nouvelle pièce pour violon et orchestre de chambre pour la violoniste Anne-Sophie Mutter. Anthèmes 3, comme elle aurait été intitulée, avait été planifiée pour un concert célébrant le quatre-vingt-dixième anniversaire de Paul Sacher le 28 avril 2006 à Basel, mais, quoique mentionnée dans les correspondances de Boulez, elle ne semble jamais avoir dépassé ces étapes préliminaires.   

Conclusion

Aujourd’hui, Anthèmes 2 fait partie des classiques de l’électroacoustique. Son traitement électronique parvient à transmettre tant le fantasmagorique que la sobriété profonde, en accord avec la solennité évoquée par l’allusion du titre aux hymnes. Les tensions qui sous-tendent Anthèmes 2 se basent sur une dramaturgie créée à partir d’oppositions marquées. Par son attachement à l’écriture, tant instrumentale qu’électronique, elle regroupe plusieurs aspects fondamentaux de l’esthétique musicale de Boulez. Mais, surtout, elle fut conçue pour permettre à l’interprète de jouir d’un haut niveau de flexibilité, d’adapter son jeu aux propriétés acoustiques de l’espace de concert et de marquer des pauses ou de faire des entrées abruptes à sa guise. Après tout, en faisant du développement de l’électronique en temps réel l'une des missions premières de l’Ircam, Boulez était motivé par un désir de libérer l’interprète de l’obligation de suivre servilement le déroulement inexorable de la partie électronique sur bande, ce qui était la manière standard de combiner les instruments et l’électronique depuis les premiers jours de la Musica su due dimensioni (1952) de Bruno Maderna. Tant la grandeur de l’œuvre que sa flexibilité transparaissent, devenant de manière inattendue — avec un clin d’œil à Mahler — un nouveau « chant de la terre ». Vue dans son ensemble, Anthèmes 2 peut être comprise comme contenant, à l’échelle du microcosme, plusieurs des grandes préoccupations de Boulez : découvrir comment conjuguer l’écriture traditionnelle et le son électronique, tout en explorant la manière dont l’électronique puisse être traduite par la notation musicale ; créer des états d’écoute ambiguë, où la perception est à la fois concentrée et diffuse ; faire proliférer le matériau musical de manière quasi infinie, que ce soit par le saut quantique d’Anthèmes 1 à Anthèmes 2 ou de Incises à Sur Incises ; et aborder la texture musicale de manière visuelle ou même sculpturale dans une réflexion inspirée du Bauhaus sur la ligne, la structure, le volume et la forme.

Resources

Certaines sections de cette analyse s'appuient sur des publications antérieures du co-auteur, Jonathan Goldman, et les complètent, en particulier [Goldman, 2001; 2009; 2011].    

Textes

[Boulez, 1976] – Pierre Boulez, Conversations with Célestin Deliège, London : Eulenburg, 1976.
 
[Boulez, 1995] – Pierre Boulez, “Interview with Stephen Plaistow”, dans les notes d’accompagnement du disque compact Boulez at 70, Deutsche Gramophon, GPL01, 1995.
 
[Boulez, 1989/2008] – Pierre Boulez, Le pays fertile. Paul Klee, Paule Thévenin (éd.), Paris : Gallimard 1989/2008.
 
[Boulez, 2005] – Pierre Boulez, Leçons de musique. Points de repère III, Jean-Jacques Nattiez (éd.), Paris, Bourgois, 2005
 
[Boulez, 2025] – Pierre Boulez. Catalogue des œuvres, Éditions de la Philharmonie de Paris, 2025, dir. Alain Galliari and Robert Piencikowski, Paris : Éditions de la Philharmonie, 2025.
 
[Boulez et al., 2009] – Pierre Boulez, Yves Bonnefoy and Carol Bernier. Quêtes d’absolus, Jean-Jacques Nattiez et Jonathan Goldman (éd.), Montréal, Simon Blais, 2009.
 
[Carpentier et al., 2015] – Thibaut Carpentier, Markus Noisternig et Olivier Warusfel, “Twenty Years of Ircam Spat: Looking Back, Looking Forward”, 41st International Computer Music Conference (ICMC), Denton (É.-U.), Sept. 2015, p.270-277.
 
[Dal Molin, 2007] – Paolo Dal Molin, Introduction à la famille d’œuvres …explosante-fixe… de Pierre Boulez : Étude philologique, thèse de doctorat en Arts/Musicologie, Université de Nice Sophia Antipolis, 2007.
 
[Goldman, 2001] – Jonathan Goldman, Understanding Pierre Boulez’s Anthèmes: ‘Creating a Labyrinth out of Another Labyrinth’, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2001.
 
[Goldman, 2009] – Jonathan Goldman, ‘Passage d’Anthèmes 1 à Anthèmes 2’, in Quêtes d’absolus, éd. Jean-Jacques Nattiez, Montréal: Éditions Simon Blais, 2009, p. 34-39.
 
[Goldman, 2011] – Jonathan Goldman, The Musical Language of Pierre Boulez: Writings and Compositions, Cambridge, Cambridge University Press, 2011.
 
[Jot and Warusfel, 1995] – Jean-Marc Jot et Olivier Warusfel, “A Real-Time Spatial Sound Processor for Music and Virtual Reality Applications”, International Computer Music Conference (ICMC), Banff (Alberta, Canada), Sept. 1995, p. 294-295.
 
[Klee, 1953] – Paul Klee, Pedagogical Sketches, Sibyl Moholy-Nagy (éd. et traduction.), New York, Frederick A. Praeger, 1953. 
 
[MacKay, 2009] – John MacKay, “Analytical Diptych: Boulez Anthèmes/Berio Sequenza XI”, Ex Tempore, vol.14 no2, 2009, p.111-141.
 
[Røsnes, 2023] – Irine Røsnes, “The Violining Body in Anthèmes II by Pierre Boulez”, in Linda O Keeffe et Isabel Nogueira (eds.), The Body in Sound, Music and Performance: Studies in Audio and Sonic Arts, Abingdon : Routledge, p.214-227, 2023.
 
[Taher, 2016] – Cecilia Taher, “Motivic similarity and form in Boulez’s Anthèmes”, thèse de doctorat, Université McGill, 2016.
 
[Taher et al., 2018] – Cecilia Taher, Robert Hasegawa et Stephen McAdams, “Effects of Musical Context on the Recognition of Musical Motives during Listening”, Music Perception: An Interdisciplinary Journal, vol.36 no1, p.77-97.
 
[Van der Wee et al., 2016] – Laurens Van der Wee, Roel van Doorn et Jos Zwaanenburg, “Reconstructing Anthèmes 2: Addressing the performability of live-electronic music”, International Computer Music Conference (ICMC), Utrecht (Netherlands), Sept. 2016, p.466-470.  

Archives

 
Les informations qui suivent proviennent de [Boulez, 2025]. Utilisé avec permission.  

  • Bibliothèque nationale de France, fonds Pierre Boulez (BnF/PB)
    À propos d’Anthèmes 1: Partition de Universal Edition, annotée par Pierre Boulez (GR FOL-VM FONDS 148 BLZ-160) ; épreuves corrigées de la transcription pour alto (VM FONDS 148 BLZ-9(39))
  • Paul Sacher Stiftung, Pierre Boulez Sammlung (PSS/PB):

 
 
À propos d’Anthèmes 1 : a) esquisses ; b) brouillon ; c) photocopie annotée de la version originale recopiée au propre ; d) copie manuscrite de la version initiale ; e) épreuves corrigées de la version initiale ; f) épreuves corrigées de la version de 1992 ; g) photocopie de l’édition de 1992, annotée en vue d’Anthèmes 2 (Mappe J, dossier 5a)
 
À propos d’Anthèmes 2 : esquisses et brouillons ; b) version recopiée au propre, copie manuscrite ; c) épreuves corrigées (Mappe J, dossier 5b)  

Partitions

 
[Score UE, 1992] – Pierre Boulez, Anthèmes, Vienne, Universal Edition, UE 19992, 1992.
 
[Score UE, 1997a] – Pierre Boulez, Anthèmes 2, Vienne, Universal Edition, UE 31160, 1997.
 
[Score UE, 1997b] – Pierre Boulez, Anthèmes 2 – Instructions d’exécution, Vienne, Universal Edition, UE 31160b, 1997.
 
[Score UE, 2008] – Pierre Boulez, Anthèmes 2 (alto), Vienne, Universal Edition, UE 34342, 2008).  

Enregistrements audio

 
Anthèmes 1
 
[AR CD Atma, 1996] – Julie-Anne Derome, Solo
 
Anne Derome (vln)
 
Atma A+CD 2 2117 [CD], 1996.
 
Anthèmes 2
 
[AR CD Accentus Music, 2016] – Bach, Bartók, Boulez
 
Michael Barenboim (vln), Andrew Gerzso (RIM)
 
Accentus Music ACC30405 [CD], 2016
 
[AR CD Col Legno, 1998] – *Donaueschinger Musiktage 1997 *
 
Hae Sun Kang (vln), Andrew Gerzso (RIM)
 
Col Legno WWE [3 CD] 20026, 1998.
 
[AR CD Deutsche Grammophon, 2000] – Pierre Boulez : Sur Incises, Messagesquisse, Anthèmes 2
 
Hae Sun Kang (vln), Andrew Gerzso (RIM)
 
Deutsche Grammophon DG 463 475-2 [CD], 2000.
 
[AR CD Deutsche Grammophon, 2017] – Hommage à Boulez
 
Michael Barenboim (vln), Andrew Gerzso (RIM) 
 
Deutsche Grammophon DG 4797160 [2 CD], 2017.
 
[AR CD Les Belles Écouteuses, 2015] – Stravinsky-Boulez
 
Diégo Tosi (vln), David Poissonnier (RIM)
 
Les Belles Écouteuses LBE 10 [CD], 2015.
 
[AR CD Simon Blais, 2009] – Disque compact d’accompagnement pour Quêtes d’absolus, Jean-Jacques Nattiez éd., Montréal : Éditions Simon Blais, 2009.
 
Jean-Marie Conquer (vln), Gilbert Nouno (RIM)
 
Pour citer cet article :
 
Jonathan Goldman et Andrew Gerzso, « Pierre Boulez – Anthèmes 2 », ANALYSES – Œuvres commentées du répertoire de l’Ircam [En ligne], 2025. URL : https://brahms.ircam.fr/analyses/Anthems2/.

Texte traduit de l'anglais par Emanuelle Majeau-Bettez.



Vous constatez une erreur ?

IRCAM

1, place Igor-Stravinsky
75004 Paris
+33 1 44 78 48 43

heures d'ouverture

Du lundi au vendredi de 9h30 à 19h
Fermé le samedi et le dimanche

accès en transports

Hôtel de Ville, Rambuteau, Châtelet, Les Halles

Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique

Copyright © 2022 Ircam. All rights reserved.