sur des poèmes de Pierre Jean Jouve
clarinet, piano
France, Strasbourg, festival Musica
Françoise Kubler : soprano, Ensemble Accroche-Note.
Diadème est sur des poèmes de Pierre Jean Jouve (comme dans ma pièce pour douze voix Kamenaia). 
 
Cette pièce est composée de quatre mouvements séparés par une cadence de piano. L'écriture de cette pièce constituait un véritable dilemme pour moi : en effet, je suis attiré par la vitesse, la virtuosité instrumentale, l'énergie frénétique, et des poèmes que j'ai choisis n'émane que douceur, lenteur, calme, et perfection formelle comme un diamant. Il m'a donc fallu trouver un compromis entre ces deux antagonismes : et j'ai choisi le trille. Car en effet le trille est à la fois rapidité et linéarité. Chacune des quatre pièces développe ainsi un modèle de trille. 
 
La première pièce est constituée de bisbigliandi écrits à la clarinette ; le piano constitue progressivement un arpège, d'une note esseulée à l'arpège intégral dans une processus d'amplification dynamique et spatiale. 
 
La deuxième pièce est faite d'oscillations microtonales à la clarinette et de trilles écrits rythmiquement au piano, tous deux interrompus par des arpèges sans cesse changeants et de plus en plus éclatés spatialement (passant d'un ambitus d'une septième mineure à près de sept octaves). 
 
La cadence du piano est un mélange des harmonies des deux premières pièces, et constituée d'un trille continu, très régulier au rythme inchangé de 12:8. La cadence s'achève par un petit motif de « carillon » qui interviendra plus tard : il s'agit d'un micro-signal qui participe à l'unité de l'œuvre toute entière. 
 
La troisième pièce est un mélange de bisbigliandi écrits (comme dans la première pièce) et de notes répétées, fondues dans la pédale du piano. 
 
Enfin, la quatrième et dernière pièce est constituée d'un contrepoint complexe entre la voix et la clarinette, un duo d'amour ou les deux lignes s'enlacent. Le piano joue un trille continu, comme une pédale, s'échappe furtivement à deux endroits, avant que les trois voix ne « coulent » visqueusement jusqu'aux notes les plus graves de la voix et de la clarinette, et achèvent l'œuvre dans le silence. 
 
La voix est écrite de la même manière que dans la quatrième pièce, à savoir des lignes accidentées où la sensation de pulsation est totalement imperceptible, et émaillée à quelques rares endroits de trilles, d'arpèges ou de notes soutenues. Elle a ceci de particulier qu'harmoniquement, elle ne s'échappe jamais des lignes des deux autres instruments, elle s'y fond, et le piano et la clarinette se fondent dans la partie vocale : les trois lignes sont en quelques sorte symbiotiques. 
 
Les poèmes utilisés, tirés de Diadème (1949), Présences (1912), Sueur de Sang (1933-1935), Kyrie (1938), qui mêlent comment souvent chez Pierre Jean Jouve les thèmes de la femme, de l'érotisme, de la mélancolie, du sexe, de la mort et de Dieu, sont les suivants : 
 
I. *** [Présences] 
 
J'interroge ta face d'ombre, 
Et je reçois tes yeux verts. 
  
Tu avoues la nuit et l'attente 
Et ces images violentes 
Qui tremblent d'être mon corps 
Avouent la même nuit et la même attente. 
  
II. "L'œuf ouvert" [Sueur de sang] 
  
Si je saisis tes basses lèvres quel tremblement 
Le chemin blanc du val aveugle de poussière 
On y tombe vaincu d'amour et de colère 
On y meurt de souvenir 
Quel tremblement des lèvres quel cri quelle ombre 
Génisse de l'amour 
  
III. *** [Kyrie] 
  
Tes longues cuisses nues et tendues à cet âge 
Te préparaient au plus profond plaisir 
Celui de soi du vertical sourire 
Dans la chair – et c'était sur une villa d'ombre 
Que tu vivais – plus belle qu'un cheval de mort 
Tu mordais les draps purs et tu te réveillais 
Quelques instants encore avant ta mort. 
  
IV. "Au jour" [Diadème] 
  
Un grand plateau de mer de collines de vapeur 
Se déroule à l'épaisse embrasure des bleus 
Du haut : telle une idée de Chine intérieure 
Se déroule une paix de soie et des villages 
De zéphyr et parfois parmi le cours des âges 
Ici et là un manteau d'ombres sur le cœur  
  
Le rêve des odeurs de Dieu se lève 
Le maître épouse l'épousée de son beau temps 
Et des soleils secrets ont pour terme l'œil noir 
A la profonde essence – au velours des déserts 
A l'opale jusqu'à la corde de la mer.
Pierre Jean Jouve.
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